sábado, 18 de julio de 2009

CE N'EST PAS PARIS, C'EST BUENOS AIRES

Ce n’est pas Paris, c’est Buenos Aires qui m’a vu naître,
c’est pour ça, que je ne crains pas le mouvement.

Je suis, du tango, la brise qui remue quand on traîne les pieds.
La taille d’argent qui se plie en mesure.
L’homme qui mourut le jour suivant pour la voir danser.
La fille blasée qui chevauchant une queue de billard
rêve qu’elle peut toute seule,
faire toute seule sa vie, aimer sa solitude.

Et l’ivrogne assoiffé qui boit sans arrêt,
se rappelant sa mère, cette fiancée infernale.
Et il se soûle et il pense que tout lui est égal
et ses mains tremblent de tant d’impunité
et il se déchire le ventre et il voudrait oublier
et il oublie mais pas le nom de qui le tuera.

Je suis, du tango, les chiens œcuméniques,
les chiens qui sont témoins du crime passionnel
qui comme les idiots ou les fous aboient à la lune
quand sur le trottoir gît l’amoureuse de la porte cochère.

Une dague de peur s’est plantée dans sa gorge.
Une dague de jalousie l’a condamnée à mourir,
un homme amoureux d’un autre homme,
une dague d’horreur qui sans l’aimer l’a tuée.

Et ensuite je suis, du tango, l’ami de cœur,
qui n’arrive pas à minuit là où tu l’attends,
qui te jette la vérité à la figure quand la vérité fait mal
qui ne partage jamais avec toi le vainqueur.

Je suis, du tango, le clown de la nuit des Rois,
celui qui a tué son amoureuse parce qu’il l’a vue sourire,
un homme dans les bras, les jambes ouvertes,
amant fou du poignard, il l’a tuée sans raison.

Et je suis aussi, du tango, l’ouvrier qui vole,
un morceau de pain en pensant à ses enfants.
Je suis, du tango, la nuit enfermée derrière des grilles,
que le réverbère du coin ne veut déjà plus éclairer.

de MIGUEL OSCAR MENASSA

miércoles, 15 de julio de 2009

LE GÉNOME HUMAIN

Aujourd'hui je t'écris un poème et je te le dis,
ils ne me casseront pas les couilles.
Ni l'amour, ni la brise,
ni les sciences, ni l'art,
ni l'humain génome qui saura tout.
Ils ne me casseront pas les couilles.
Ni l'amour avec sa furie qui te touche et te tue.
Ni la brise ou l'air de la vieille ville.
Ni les sciences légères, exactes et arrogantes.
Ni les arts profonds de quelque humanité,
et le génome savant, de l'homme nous dira :
Des six milliards qui habitons la terre
tous également humains, ça devrait se savoir,
trois milliards sont déjà en train de mourir
à cause de ce " maudit " manque de pain.
Mais quand j'ai demandé des explications
parce que je crois qu'il y a trop de pain
le monde entier des puissants,
m'a répondu avec amabilité,
que certains meurent de la rougeole,
la drogue tue dit le ministre
et d'autres meurent par diversion.
Que certains ne mangent pas
ce n'est pas si grave
une très petite erreur dans la distribution.
Quant au reste, des trois milliards,
vivant et mourant toujours la moitié,
le génome supersavant nous parlera de l'homme :
Ce demi cerveau que vous ne pouvez pas utiliser,
c'est la moitié de l'homme qui meurt pour du pain.
Cette double vie : la réalité, les rêves,
c'est seulement la moitié de la faim de la terre.
Si ne mourait que la moitié, dit le poète,
l'homme arriverait à une certaine clarté,
mais ce qui se passe, génome aimé,
c'est que la culpabilité nous tuera.
L'homme actuel
celui qui meurt de sa moitié
hait les êtres aimés
et aime la paix,
Il maltraite jusqu'à la mort ou la douleur
sa femme, sa maîtresse ou concubine,
il éduque très mal ce qu'il produit,
empoisonne les jeunes
pour que personne ne lui vole
son poste de travail,
son unique travail, continuer à tuer sa moitié.
Le génome infiniment savant
en arrivant à ce point nous parlera de l'homme.
L'homme vit malade et il ne guérira pas
pour pouvoir le guérir la moitié ne suffit pas.



de MIGUEL OSCAR MENASSA

martes, 14 de julio de 2009

PEUT-ÊTRE QUE JE NE POURRAI DÉJÀ PLUS NI LE DIRE

C’était un amour perdu dans les distances,
de la Méditerranée jusqu’aux Andes.
Amour de mère qui n’a pas eu d’enfant.
Espoir d’un pauvre sans travail.

C’était un amour qui, quand il imaginait,
imaginait le vent sud détenu.
C’était un amour qui se laissait aimer,
sans passion, sans feu, sans chansons.

C’était un amour qui se refusait
même dans les beaux rêves.
Un amour que -dans le monde-
personne ne penserait comme amour.

C’était un amour de la peau et la pierre.
Le désert et une petite larme.
C’était un amour que personne n’atteindrait :
amour de l’exilé pour sa ville natale.


de MIGUEL OSCAR MENASSA

sábado, 11 de julio de 2009

APRÈS LA MORT

Dans le refuge de la nuit
la vie se déplace légèrement.


Si superbe
si spectaculaire était le poème entre les ombres,
que ne me suffira pour l’écrire,
ni le matin, ni la nuit,
ni le reste de ma vie.

Je navigue comme naviguèrent les grands navigateurs,
à l'aveuglette,
le pouls retenu par l'émotion à chaque instant,
flairant la terre ferme en toutes directions
et ainsi,
de nouveau la mer et le profond ciel permanent.
Des vents parfumés
et des poissons affolés par la faim, fêtent,
l'imminence d'un nouvel échec.

Personne ne doit mourir dans cet oubli,
surgissent, fortifiés,
par la haine de continuer à chercher,
des imprécations et des blasphèmes.
Capitaine de l'ennui,
cherchant toujours la terre ferme,
trouvant toujours des mers ouvertes et des parfums,
des océans fermés.

Avec l'orgueil d'un homme enchaîné
et libre,
je finirai un jour par crier entre tes bras:
j'ai tué Dieu, je veux la récompense
et, sans aucun doute, quelqu'un me donnera 30 deniers
et ma folie continuera d'avancer sur tout.

Il vient du sud, diront-ils, c'est un hors-la-loi.
Anguille fuyante et vorace,
électrique parfum entre les pierres,
parole démesurée, c'est le poète.

Je viens pour qu'avec moi meure l'ultime.
Au-delà du néant commence mon chemin.

Un homme est a un autre homme, son poète et l'Autre.
Olympique destin et, à la fois,
furie embaumée retenue.
Contraste primordial entre mon être et le monde.

Un homme est à un autre homme, son regard et le ciel.
Pigeon voyageur et, à la fois,
nostalgique assassin entre les ombres.
Chant entrecoupé peuplé de silences.

Un homme est à un autre homme, la mort et son miracle.

J'essaye d'arracher le bandeau de mes yeux,
je donne de durs coups au centre même du timon,
pour dévier le cap et je n'arrive à rien.
Je fume des cigares et je bois des alcools forts.
Je dessine entre les yeux de la femme que j'aime,
la possibilité d'un nouveau parcours,
et face à ce regard émerveillé par ma terreur
je romps le sextant et la petite boussole marine,
et en plein cœur du brouillard
-au début de cette nouvelle fin-
je jette comme si c'était des déchets
mes derniers souvenirs àa la mer
et je baise tes lèvres.

Terre ferme
et notre bateau se tord entre les vagues,
mouvements désespérés sur le point de sombrer,
sont le mouvement de nos corps.
Baves et laits
se confondent avec le torrent d'eaux marines
et algues
et brillants mollusques comme des perles,
sacrifiés à un dieu.

Mer ouverte
et notre bateau échoue
sur les fiévreux battements de ton cœur,
tambour parmi les légers murmures de la foret vierge.
Indompté
-sauvage nichant dans la broussaille-,
j'arrache ton sexe de la terre, violons de la musique,
mouvements comme des poignards s'enfonçant dans le ciel.

Avant de commencer mon nouveau chemin,
j'essaye de signaler le point de départ.
Je pars d'où l'homme se débat,
dans les bras sanglants du néant.

Je suis cet homme,
mordu traîtreusement par la vie humaine,
aliéné dans le rythme hébété de la montre,
affolé par le bruit palpitant des machines,
assombri par la luxure des dieux assassins
-hommes solitaires et, aussi, hommes habités-
et, cependant, je fais mon premier pas.
Petit pas,
je n'amorce pas une course véloce vers les ténèbres,
parce que je suis un homme effrayé,
qui ne sait plus si son prochain pas
sera marque ou niveau d'autres pas humains
ou l’impasse de sa mort.

Aux pas suivants cela me désoriente
de voir mon nom dans le nom des rues,
indiquant la direction désirée.
Brutale rencontre avec moi-même et je continue à marcher,
parce que continuer à marcher vers une autre découverte chaque fois,
après les premiers pas devient une habitude.
Et pourtant, on se dit aussi: ici je m'arrêterai.
Derrière moi, seulement des montagnes,
et je sèmerai cette terre,
et j'attirerai avec mon chant l'eau de la pluie
pour que tout fleurisse et se reproduise
et que le féminin soit loi de l'amour,
pomme délirante sans péché,
et dans ce paradis je vivrai, tranquillement, un temps.
Ensuite un humain habitant du néant de Dieu
essayera de me coloniser et il n'y aura pas de guerre non plus.

Quand sécheront les fleurs,
quand pourriront définitivement les fruits,
parce qu'on ne les soigne plus avec amour,
je ferai un autre pas de plus,
un petit pas ému comme ce premier pas,
et ainsi, sûrement, je verrai différents horizons,
et ainsi, sûrement, un jour, je mourrai en marchant
et il ne se passera rien,
parce que les violents parfums de mon corps,
quand je marche, sont mes propres paroles
et ainsi, je vois mon nom volant dans cette odeur hallucinée,
au-delà de ma mort,
en train de marcher.


de MIGUEL OSCAR MENASSA

JE SUIS CONTENT D'AVOIR TANT AIMÉ

Je suis content d’avoir tant aimé,
d’être si souvent arrivé aux confins des baisers,
content d’avoir étreints pendant les nuits
enveloppés dans les vapeurs du silence
la vie luxurieuse de la chair et du feu,
la splendide et folle passion des mots.
Content de me lever un matin,
les pupilles humides tachées par amour.

Ce fut un siècle de folie, nous avons grandi dans toutes les directions,
haine et amour sont devenus gigantesques,
la pauvreté est arrivée jusqu’à la richesse,
la bêtise et la belle folie ont peuplé les monastères,
les maladies que l’amour a produit
sont arrivées jusqu’à l’âme peuplant les silences,
dans son désir de mourir, l’homme a inventé les virus
qui attaquent, avec ferveur, la pensée.

Ensuite, il faut le dire,
dans le cœur de la musique
ce siècle, la guitare s’est brisée,
le violon des guerres fut lamentation qui,
volant jusqu’aux cieux,
atteignait la douleur.

La trompette fut hurlement et le hurlement, chant,
même le saxo bramait un peu de pitié.
Il y eut, ce siècle, des tambours de folie,
qui explosaient en sonnant comme des sphères de lumière.

de MIGUEL OSCAR MENASSA

domingo, 28 de junio de 2009

COMME UN ÉLÉPHANT TRISTE

Je désire faire l’amour en plein été,
comme le faisaient dans mon pays les sans-terre,
ils se réclamaient les uns les autres
et il n’y avait plus d’amour.

Faire l’amour, me dis-je, avec détermination,
préméditation même,
comme cela arrivait aux femmes de mon village,
avec leurs amours uniques.

Faire l’amour jusqu’à rompre
l’équilibre qui me permet d’aimer.
Comme les fleurs qui agonisent,
brûlées, brisées,
par ce même soleil qui leur donna la vie.

Maintenant, dans cette lente matinée d’été,
je veux que le vent produise,
ce son aigu et déchiré
de l’amour sans barrières.
Comme font l’amour les papillons
où le vers et les ailes
se rejoignent pour mourir.

Aujourd’hui je voudrais pratiquer l’amour bestial.
Comme le font les cochons et les mouettes,
et les vampires paisibles et les vaches.
Femelle et mâle, animaux en rut,
sans mots.

Et un jour j’ai dit :
aujourd’hui je veux aimer tout ce qui s’est passé.
Et ma vie s’est remplie de morts.
J’avoue avoir été comme eux,
j’en suis arrivé à jouir assis sur une chaise,
immobile, sans âme, en attendant un vers.

Et, ensuite, j’aimerais aimer,
de pays en pays, d’océan à montagne
et me laisser tomber comme les soldats
qui meurent enlacés à l’arme qui les tue.

Je dois aimer, me dis-je, je dois aimer.
Comme les jeunes aiment au printemps,
peu leur importe, ils se moquent du monde.

J’aimerais, pourquoi pas, faire l’amour
en m’étendant sur un vers,
comme les lettres,
les mots le font
et je deviens jaloux
parce que je ne peux pas tant
et je pleure comme une femme,
ce que j’ai défendu comme un homme
sans que ça serve à rien.

Aimer, aujourd’hui je me laisserais aimer.
Je serais l’homme mort-vivant,
que la femme désire.
Rester tranquille, me dis-je,
m’attacher, sans plus, à l’avenir.
Embrasser la bouche qui embrasse l’univers
et éteindre la lumière.

Aujourd’hui c’est une chaude après-midi
d’été en Europe.
Et celui qui se l’imagine
n’aurait jamais pu
l’imaginer ainsi :

Assis et en train d’écrire,
faisant l’amour dans les cloaques de ma ville.

Connaissant à fond la vie quotidienne.
« Amour et haine se ressemblent »
amour et haine se ressemblent,
criait le condamné
et il étreignait avec ardeur ses propres paroles
et aimait
tout ce qui ne pouvait être et tombait,
se laissait tomber sur son corps.

C’est ainsi que je voudrais aimer, ainsi.
L’âme brisée de solitude,
sans que personne ne me voit pleurer pour ce qui est perdu,
comme un éléphant triste qu’on ne verra pas mourir.

de MIGUEL OSCAR MENASSA
traduit de l'espagnol par Claire Deloupy

martes, 23 de junio de 2009

À MOI LA POÉSIE ME PERMET TOUT

A moi la poésie me permet tout
et je fais d'elle ce que je veux.
Parfois je me laisse porter et Elle
m'enveloppe dans son tourbillon
mot contre mot
un corps à corps
insoutenable.

Je viens briser les illusions.

Entre mes bras
elle ne pourra aimer personne
parce que je suis celui qui est né
pour qu'elle ne meurt pas.

Versant de moi-même
je me soutiens en elle
pour la soutenir
et elle dans sa liberté
continue d'être avec moi
comme lorsque nous nous sommes rencontrés
la première fois.

Avide de moi
désireuse de moi
jeune
toujours jeune.
Déséquilibrée
et presque gauche
de tant de jeunesse
elle danse avec moi
pour la première fois
la musique
que danseront
les siècles à venir.

de MIGUEL OSCAR MENASSA